Villepin ou le beau masque libéral

Publié le par rezeid

"Lbération présente aujourd'hui dans son quotidient le premier ministre comme un libéral au masque social, à l'image d'un Tony BLAIR, merci de la comparaison. Depuis maintenant près de 8 mois Villepin quoi qu'on dise fait bouger les lignes et modernise notre modèle social à bout de souffle!"

C'est une affaire entendue : Dominique de Villepin a du style, un ton, de la séduction et de la hauteur, une autorité cavalière, un rythme de hussard, une ambition stendhalienne, une énergie farouche, une vision tragique de la France et du monde, une culture atypique, une identification abusive de sa personne et de l'intérêt national, un cocktail baroque de grands desseins et de petits moyens. Il n'est assurément ni banal, ni indifférent, ni d'ailleurs rassurant non plus. On l'imagine facilement il y a trois générations entre Lyautey et Mermoz, le maréchal et l'aviateur, avec du charisme et des passions dangereuses ou bien, durant la guerre, au côté d'Henri Frenay (le fondateur de Combat) ou aux ordres du général de Lattre. C'est un guerrier éloquent, un adversaire implacable, un rival impitoyable, un chef impatient. Un masque conquérant, mais un masque trompeur.

Dominique de Villepin a en effet choisi d'arborer les armoiries du gaullisme social, alors qu'il mène en réalité une politique de libéral entravé. Il emploie un vocabulaire à la Philippe Séguin, il prend les décisions d'un Jean-Pierre Raffarin. Il proclame donc fièrement qu'il s'agit de défendre bec et ongles le légendaire modèle social français (qui prend pourtant eau de toutes parts), il en appelle théâtralement au patriotisme économique (un registre ambigu au sein de l'Union européenne), il se présente en paladin de la croissance sociale (faible croissance, très faiblement sociale), il affiche un visage de fédérateur déterminé, de rassembleur-né. Ainsi espère-t-il s'installer à la gauche de Nicolas Sarkozy, au-dessus de François Bayrou, là où l'électorat de la majorité peut suivre le Premier ministre, mais où la clientèle centriste n'est pas désemparée, et où les classes moyennes qui votent socialiste peuvent, le cas échéant, se sentir attirées lorsque la gauche apparaît déraisonnable. Jacques Chirac a toujours cherché à combiner le souverainisme gaullien et le solidarisme radical-socialiste. Dominique de Villepin a mené à son côté deux campagnes présidentielles et a naturellement retenu la leçon : il faut charger au centre droit, mais en portant un uniforme ostensiblement social. Voilà pour l'apparence.

Les actes ne correspondent cependant pas aux propos. Si les slogans et les formules portent suffisamment au centre pour hérisser le Medef qui dénonce sans ambages le flou et l'illisibilité de cette stratégie, le contenu relève cependant sans ambiguïté aucune du libéralisme. Libéralisme à la française s'entend, c'est-à-dire libéralisme contourné, chantourné, complexé, mal à l'aise, ambigu, avec de brusques retours d'autoritarisme dirigiste, une mémoire colbertienne, des prudences de chat trempant la patte dans l'eau glacée d'une mare hivernale, bref, la droite parlementaire française telle qu'elle devient progressivement depuis dix ans. Le libéralisme économique français garde toujours, sauf chez Nicolas Sarkozy, quelque chose de corrézien, au grand dam des prophètes du déclinisme. C'est un libéralisme obstiné, technocratique et inquiet. Malgré le clinquant, le claquant et le fringant du verbe, Dominique de Villepin fait du sarkozysme oblique. Ses deux principales innovations ­ le contrat nouvelles embauches et le contrat première embauche ­ en relèvent presque clairement, puisqu'il s'agit, en fissurant le code du travail, de faciliter l'offre d'emplois moins garantis et moins stables. Les libéraux appellent cela la flexibilité, les socialistes la nomment précarité ­ l'une n'empêche évidemment pas l'autre ­, le Premier ministre préfère y voir une figure édifiante du gaullisme social et y plante son oriflamme personnelle. De même, la politique de privatisations : GDF, EDF (partiellement), les autoroutes, il s'agit bel et bien, là encore, de libéralisme. Comme les socialistes en ont naguère fait autant, faut-il y voir un exemple de libéralisme social à la Tony Blair ? La dimension sociale se discute (les statuts du personnel demeurent) mais la dimension libérale ne fait, elle, aucun doute. De même, encore, la politique fiscale : elle est présentée habilement, elle aboutit à faciliter la transmission du capital, à alléger la taxation des entreprises (mouvement d'ailleurs nécessaire si l'on ne veut pas les handicaper dans la concurrence internationale) et à limiter l'impôt sur le revenu, comme l'avait promis Jacques Chirac. Dominique de Villepin a certes le courage d'annoncer la fin des allégements pour 2007, grave entorse au chiraquisme, mais il n'a pas dû lui échapper totalement que cette année-là sera traversée par une élection présidentielle et que ses promesses n'engagent donc que ceux qui voteront pour lui.

En somme, qu'il s'agisse de fiscalité, de privatisations ou de contrats de travail, le villepinisme emploie un langage social mais pratique une politique libérale. On peut y ajouter sa politique budgétaire (courageuse à crédit) et son approche de l'Education nationale : comment apparaître plus social en employant si peu de moyens supplémentaires ? Le savoir-faire du Premier ministre, son talent consiste à habiller son libéralisme d'autorité ostentatoire ­ comme le fait d'ailleurs Nicolas Sarkozy ­, à le parer d'objectifs mirobolants mais peu dotés (l'intégration, l'égalité des chances, la laïcité, la formation professionnelle), à mener avec une adresse de prestidigitateur une politique aux couleurs sociales mais au métal libéral. Il enrubanne la rhétorique chiraquienne mais il dérobe le plus possible de propositions sarkoziennes. Dominique de Villepin ou le beau masque du libéralisme.

source: www.liberation.fr par Alain DUHAMEL

Publié dans dominiquedevillepin

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P
aujourd'hui c ceux qui faut à la France du social et du libéralisme sinon nous allons dans le mur<br /> courage accrochons nous la France est entre de bonne mains!!!!!!!! en attendant la victoire de villepin en 2007!!!
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