Les juristes croient peu à une censure du CPE par le Conseil constitutionnel

Publié le par rezeid

Le gouvernement et les juristes ne croient guère à une censure du contrat première embauche (CPE) par le Conseil constitutionnel, dont la décision est attendue jeudi.

La possibilité d'une réserve d'interprétation sur la motivation du licenciement n'était en revanche pas exclue.

Saisis le 14 mars par les députés et sénateurs socialistes sur le projet de loi égalité des chances, qui crée le CPE, les dix "sages" -neuf membres nommés et l'ancien président Valéry Giscard d'Estaing, membre de droit- avaient en principe un mois pour statuer.

Mais le Conseil, présidé par Pierre Mazeaud, ancien député RPR et fidèle de Jacques Chirac, n'utilisera pas ce délai. Il devrait rendre son verdict jeudi.

Même si une surprise était toujours possible de la part de "sages" très sourcilleux sur leur indépendance, les constitutionnalistes s'attendaient mercredi à une validation de l'article 8 du projet de loi, relatif au CPE. "Il y a sûrement un risque de censure, mais je ne crois pas qu'il soit important", juge Didier Maus, professeur de droit constitutionnel à Paris I.

Le gouvernement ne croyait pas non plus à une censure. Son secrétaire général Jean-Marc Sauvé a informé dès le 14 mars Dominique de Villepin que le CPE franchirait l'obstacle, selon une source gouvernementale.

Dans son recours, le PS a développé quatre arguments principaux en faveur de l'inconstitutionnalité du CPE. Sur la forme, les socialistes dénoncent l'absence de consultation préalable du Conseil d'Etat. Le gouvernement a en effet fait voter le CPE sur la base d'un amendement déposé au Parlement, donc après l'examen du texte par la haute juridiction administrative.

En 2003, le Conseil avait annulé une disposition du projet de loi sur les modes de scrutin au motif qu'elle avait été introduite dans le texte après son passage en Conseil d'Etat. Mais selon Dominique Chagnollaud, professeur de droit constitutionnel à Paris II, cet argument ne vaut pas pour le CPE, introduit par un amendement au Parlement.

Deuxième argument de forme invoqué par la gauche: l'absence de lien entre le CPE et l'objet du projet de loi. Très pointilleux sur les "cavaliers", le Conseil constitutionnel exige que les amendements ne soient pas "dépourvus de tout lien avec l'objet du texte en discussion".

Mais il a précisé récemment que les amendements examinés en première lecture étaient recevables. Une censure sur ce motif représenterait donc une évolution importante de la jurisprudence, estime Didier Maus.

Sur le fond, les socialistes considèrent que le CPE, réservé aux jeunes de moins de 26 ans, porte atteinte aux principe d'égalité. Là encore, cet argument se heurte aussi à la jurisprudence du Conseil, selon laquelle "le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général", rappelle Philippe Delelis, avocat au cabinet Jones Day.

Dernier argument: la période de "consolidation" de deux ans du CPE irait à l'encontre de la convention 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui indique que la période d'essai réalisée par un salarié doit être raisonnable. Cet argument ne serait pas davantage recevable, selon les juristes, qui rappellent que les traités internationaux ne font pas partie du bloc de constitutionnalité.

Si les "sages" ne censurent pas le nouveau contrat, ils peuvent assortir leur validation de réserves d'interprétation sur l'absence de motivation du licenciement du jeune en CPE. "On peut imaginer une réserve d'interprétation disant que le juge, saisi d'un litige sur le CPE, pourra vérifier le motif raisonnable du licenciement", explique Didier Maus.

Une décision en ce sens offrirait une porte de sortie à Jacques Chirac. Le chef de l'Etat a prévu de s'exprimer après le verdict des "sages".

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