Le général a aussi livré des précisions qui, elles, viennent à la décharge de l'ex-premier ministre.
Ce 5 octobre au tribunal, la défense de Dominique de Villepin a cependant marqué des points importants. D'abord en faisant confirmer au général Rondot ses propos devant les juges d'instruction : le retraité a redit, «de manière solennelle, que M. de Villepin ne [lui] a jamais demandé de [s]e prêter à une quelconque manipulation des listings».
Puis Me Olivier Metzner a poussé le militaire dans ses retranchements : non, il ne savait pas si ses «doutes» sur la sincérité des listings – exprimés par M. Rondot à M. Gergorin, qui affirmait rencontrer souvent M. de Villepin – avaient bien été transmis à celui-ci. «Par ailleurs, j'exprimais mes doutes à Philippe Marland hebdomadairement, plus rarement au ministre. Ces doutes ont-ils été transmis plus haut ? Je n'en sais rien», a dû répondre M. Rondot.
Dans le même sens, le général a paru battre en retraite quand l'avocat l'a conduit à reconnaître, pour la période cruciale du dossier (de la mi-janvier à juillet 2004) : «Ce n'était pas à moi d'alerter Dominique de Villepin.» Estocade de Me Metzner : «Avant juillet 2004, rien n'indique donc que M. Dominique de Villepin ait eu conscience de la manipulation ?» Le général Rondot a encore acquiescé.
S'intéressant à «une partie civile omniprésente», Me Olivier Metzner a même provoqué l'ire du procureur Marin, énervé d'une telle insistance à évoquer l'apparition du nom de Sarkozy dans les listings. Des «instructions du président de la République» n'étaient-elles pas mises en avant pour que le général Rondot procède à des vérifications auprès de la DGSE, a interrogé l'avocat ? «Vous avez décidé de ne pas donner suite à cette instruction du chef des armées», a-t-il pourtant remarqué, à l'adresse du militaire qui se prévaut de ces instructions au sommet pour relater ses relations avec le ministre des affaires étrangères.
Or, en 2004 et 2005, le défenseur de M. de Villepin a souligné que le ministère de la défense paraissait fort inquiet de «la réaction probable de Nicolas Sarkozy, s'il apprenait qu'au ministère de la défense on ne lui avait rien dit» sur la mention de son nom dans les faux listings... «On peut le dire comme ça», a répondu le général Rondot.
«Vous saviez, à cette époque, que la justice était saisie d'une enquête pour dénonciation calomnieuse», a poursuivi l'avocat. Mais «vous détruisez vos archives, dont un Cédérom d'Imad Lahoud», qui constituaient «la meilleure documentation disponible» pour les magistrats instructeurs de l'affaire Clearstream, les juges Jean-Marie d'Huy et Henri Pons. Ne serait-ce pas «une destruction de preuves» ? Le général Rondot a vacillé, sans répondre sur le fond : «Si j'avais dû conserver toutes les archives...» Et «dès mai 2004, vous avez averti M. Marland que Jean-Louis Gergorin est allé voir le juge Van Ruymbeke ?» «Oui», a murmuré M. Rondot. «Vous l'avez dit aussi à Michèle Alliot-Marie ?» «Oui. Mais je n'ai reçu aucune consigne particulière de Michèle Alliot-Marie ou de Philippe Marland pour transmettre des informations à la DST, au juge Van Ruymbecke ou au juge d'Huy.»
Source: www.mediapart.fr ,
Par Erich Inciyan