Europe: le «traité simplifié» gagne en complexité
La présidence portugaise de l’Union veut aller vite, très vite : le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement des 21 au 23 juin «nous a donné un mandat clair et précis qui nous permet de disposer le plus rapidement possible d’un nouveau traité», a expliqué Luis Amado, le chef de la diplomatie portugaise, qui espère conclure lors du Sommet de Lisbonne des 18 et 19 octobre. Le rythme sera donc soutenu.
Dès aujourd’hui, et durant tout le mois d’août, les juristes des Etats membres vont travailler au sein d’un «groupe technique» pour vérifier que le mandat donné par les chefs a bien été traduit dans cette première mouture. Puis, les 7 et 8 septembre, les 27 chefs de la diplomatie se retrouveront à Viana do Castello, au nord de Porto, au Portugal, pour étudier les points qui posent problème. C’est seulement à ce moment-là que l’on saura si un «traité de Lisbonne» verra ou non le jour cinq semaines plus tard.
Varsovie a déjà profité de cette première réunion de la CIG, qui a duré une demi-heure, pour faire entendre sa différence. «C’est le seul pays à avoir pris la parole, en dehors de la présidence portugaise, de la Commission et du Parlement européen», raconte Jean-Pierre Jouyet, le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes. «Mais cela a été moins dur que prévu.» La ministre polonaise des Affaires étrangères, Anna Fotyga, a demandé des «clarifications» sur le mécanisme, mis au point pour la Pologne, qui permet à un groupe de pays n'ayant pas atteint la minorité de blocage (soit plus de 35% de la population, soit plus de 45% des Etats) de demander la poursuite des négociations.
Au départ, Varsovie a fait valoir que dans son esprit, cela impliquait un délai d’au moins deux ans alors que pour ses partenaires, il faut en terminer dans un « délai raisonnable » qui ne peut pas excéder trois à quatre mois. «Fotyga a présenté ça comme un problème d’interprétation, pas comme une exigence», poursuit Jouyet qui ne pense pas que la Pologne en fera un casus belli.
En revanche, la Pologne envisage sérieusement de demander à bénéficier du même traitement que le Royaume-Uni sur la Charte des droits fondamentaux, c’est-à-dire obtenir le droit de ne pas l’appliquer chez elle. L’Irlande envisage sérieusement de l'exiger également. «On pourra difficilement refuser à la Pologne ce que l’on a accepté pour le Royaume-Uni», s’est désolé l’eurodéputé britannique Andrew Duff, l’un des négociateurs du Parlement européen. «Si l’infection s’étend, c’est la fin de la Charte», a-t-il mis en garde. De toute façon, contrairement aux espoirs du non de gauche français, il est d’ores et déjà certain que le «traité réformateur», comme on l’appelle maintenant, sera moins ambitieux que le défunt traité constitutionnel même s’il en reprend l’essentiel.
source: liberation