Zone de turbulences

Publié le par rezeid

CPE, chikungunya, grippe aviaire... sa candidature pour 2007 en prend un coup.


A ce stade, autant reconnaître que ça va mal. «La période est difficile», concède un proche du Premier ministre qui ajoute, rompant avec la langue de bois des dernières semaines : «Et ça risque de durer.» La lune de miel entre Dominique de Villepin et les Français s'est brutalement interrompue. Depuis plus de quinze jours, le chef du gouvernement enregistre sondages négatifs sur cotes de popularité en berne. Son action est désormais rejetée par plus d'un Français sur deux, rendant pour le moins problématique un projet de candidature à la présidentielle de 2007. C'est le contrat première embauche (CPE) qui a tout déclenché. Rejetée par l'opinion, cette mesure pour l'emploi des jeunes lui a aliéné les soutiens qu'il avait acquis chez les 18-25 ans et chez les sympathisants du centre gauche. «Plus l'échéance présidentielle approche, moins ces derniers reviendront vers lui», analyse François Miquet-Marty, de l'institut LH2.

Gauche réveillée. Dominique de Villepin paie cher sa méthode de gouvernement. Soucieux d'être toujours en première ligne, quitte à froisser ses ministres en mal d'existence, il se retrouve au coeur de la tempête quand les nuages arrivent. Sur le CPE, il n'a pas voulu écouter ceux qui, comme son ministre de l'Emploi Jean-Louis Borloo, l'avaient alerté sur le danger d'une telle mesure en termes de popularité. Tout à sa volonté de faire preuve d'autorité, il a commis une erreur supplémentaire en usant de l'article 49-3 de la Constitution qui permet de faire passer un texte sans vote à l'Assemblée nationale. Résultat : il est apparu brutal et a réveillé une gauche en sommeil depuis plusieurs mois.

Outre le CPE, Villepin se retrouve à gérer des crises sanitaires sans précédent, comme la grippe aviaire et le chikungunya à la Réunion. La lenteur de la réaction du gouvernement face à cette dernière épidémie a posé le débat de l'imprévoyance gouvernementale. Autant de dossiers pourris qui se sont ajoutés à la virevolte gouvernementale sur le porte-avions Clemenceau, ancien fleuron de l'armée française devenu poubelle ambulante dont aucun Etat ne veut s'encombrer. Le meurtre d'Ilan Halimi, enlevé, séquestré et torturé a, enfin, plongé la France dans un malaise profond. «Le climat est dur, explique-t-on à Matignon. Les violences sont partout et tout se télescope. Il y a des défis à relever pour lever les inquiétudes et cela concerne tous les pays européens.» Face aux complications sanitaires, économiques, sociétales, le Premier ministre veut apparaître comme un homme qui ne baisse pas les bras. Son entourage explique qu'il a décidé de lancer le CPE pour apporter une solution au problème du chômage, le souci numéro 1 des Français, tout en sachant très bien que cela créerait des incompréhensions : «Le CPE change la donne sur le marché du travail, rebat les cartes, on ne fait pas ça sans en payer le prix.» Villepin prêt à sacrifier sa popularité pour le bien de la France, en quelque sorte. «Il avait de bons sondages en janvier, il aurait pu se contenter de se montrer, d'être grand et beau, de sourire et d'attendre que ça se passe. Il a préféré agir», résume un de ses amis.

Au Salon. En se rendant à la Réunion hier et en y annonçant des aides financières, le Premier ministre a tenté de désamorcer la polémique sur le chikungunya (lire page 14). D'autres échéances l'attendent dans les jours qui viennent. Demain, il doit se rendre au Salon de l'agriculture pour calmer les angoisses des éleveurs et des consommateurs de volailles, puis il tiendra sa conférence de presse mensuelle mercredi ou jeudi. La semaine prochaine servira de test pour mesurer la mobilisation anti-CPE avec la journée du 7 mars. Mais, même en cas de faible affluence aux manifestations, l'exécutif sait qu'il doit s'attendre à une impopularité durable. Le cabinet de Villepin estime qu'avant l'été aucune amélioration n'est à prévoir en termes de sondages. Selon ses proches, il ne reprendra la main que lorsque les Français pourront constater les résultats de ses choix économiques. Alors que les problèmes s'amoncellent et que certains de ses ministres ont été récemment contestés, comme Michèle Alliot-Marie (Défense), Renaud Donnedieu de Vabres (Culture) ou Xavier Bertrand (Santé), Matignon jure ne pas penser à un remaniement : «Le Premier ministre n'est pas dans une logique de bouc émissaire.»

En attendant une possible embellie au printemps, le chef du gouvernement a l'intention de ne pas changer de tactique : agir encore et toujours. «Dans la vie, il faut être capable de faire son travail sans états d'âme», a-t-il lâché vendredi à Lyon. Ainsi est-il à nouveau apparu au premier plan lors de la fusion GDF-Suez (lire Evénement pages 8 et 9). A un peu plus d'un an de l'élection présidentielle, il considère que la mauvaise passe qu'il subit reste «conjoncturelle». Un avis qui n'est pas partagé par tous les observateurs. Pour François Miquet-Marty, au-delà de l'interruption brutale de sa dynamique de popularité, Dominique de Villepin a vu son identité se brouiller : «Il s'était installé sur un positionnement plus social que Sarkozy, aujourd'hui le doute s'inscrit : avec le CPE, les gens se demandent s'il n'est pas libéral.» Selon le sondeur, ce qui se joue actuellement «n'est pas un phénomène secondaire, c'est un véritable handicap dans la perspective présidentielle. Pour pouvoir être crédible, il doit obligatoirement voir sa popularité repasser la barre des 50 %». Un but qu'il n'a que quelques mois pour atteindre.

source: www.liberation.fr

Publié dans Divers

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