Dominique de Villepin dans la galère du CPE

Publié le par rezeid

Le contrat première embauche était-il une bonne idée ? Dominique de Villepin a voulu cette réforme dont les ministres "sociaux" se méfiaient et qui n'enthousiasmait pas les ministres "économiques". Cinq semaines après avoir décidé de se lancer dans cette aventure, le premier ministre a des raisons de s'inquiéter. Certes, le CPE a été voté par la majorité de l'Assemblée nationale, mais le projet de loi sur l'égalité des chances, dans lequel il a été introduit par amendement du gouvernement, a dû être adopté au "49-3" pour empêcher la gauche de prolonger la discussion et d'entretenir un climat de fronde.

Les sondages ont mesuré le coût politique de cette réforme pour Dominique de Villepin. A son arrivée à Matignon, en juin 2005, le chef du gouvernement n'avait pas bénéficié de ce que l'on appelle l'état de grâce. Mais il avait réussi son opération d'image personnelle durant l'été et il était parvenu ensuite à renforcer sa position dans l'opinion. La dernière vague de sondages, depuis une semaine, montre le terrain perdu. Tous les instituts ne situent pas la popularité du premier ministre au même niveau, mais tous indiquent un recul. Le dernier en date, celui de CSA, évalue à 36 % la proportion des Français qui lui font confiance, c'est-à-dire pas beaucoup plus qu'à Jean-Pierre Raffarin en fin de parcours.

Remède classique en pareil cas, le premier ministre cherche à se rattraper sur des sujets consensuels. Il tente de jouer du registre compassionnel en usant des prérogatives de sa fonction pour se saisir d'affaires qui émeuvent les Français : le supplice infligé à un employé de magasin présumé riche parce que juif, la menace de la grippe aviaire, les ravages du chikungunya à la Réunion. Mais, sur ces sujets, Dominique de Villepin fait la mouche du coche. C'est au président de la République qu'il revient d'exprimer l'unité nationale contre l'antisémitisme et toutes les formes de racisme, et au ministre de l'intérieur de veiller à ce que l'enquête sur le "gang des barbares" ne néglige aucune piste. C'est aux ministres de l'agriculture et de la santé qu'il appartient de prendre les mesures de prévention de l'épizootie de grippe aviaire et d'aide aux éleveurs de volaille. Et le ministre de l'outre-mer était déjà à la Réunion pour répondre aux critiques adressées aux autorités sanitaires à propos de l'épidémie de chikungunya.

Ce que le premier ministre peut apporter de plus sur ces sujets est essentiellement symbolique. En revanche, le CPE, c'est lui. Les Français ont bien vu que le contrat première embauche est un choix personnel de Dominique de Villepin. Certains l'en félicitent, mais beaucoup le lui reprochent. Les sondages, encore, ont montré l'évolution de l'opinion, passée de l'approbation majoritaire d'une mesure pouvant faciliter l'emploi des jeunes au rejet majoritaire d'un dispositif qui expose les nouveaux embauchés à l'arbitraire des employeurs. Non seulement les syndicats de salariés et les organisations d'étudiants et de lycéens sont contre, mais le CPE est critiqué par une partie du patronat, qui juge contre-productif de commencer par se mettre à dos les jeunes quand on veut - et si l'on veut - réformer le code du travail.

Dominique de Villepin s'est mis dans une situation périlleuse. Transmis au Sénat, le CPE et l'ensemble du projet de loi dans lequel il figure vont y être adoptés, malgré le désaccord de l'UDF. La procédure d'urgence devrait permettre ensuite d'en finir rapidement. Apôtre de la "rupture", Nicolas Sarkozy ne pouvait pas ne pas appuyer le premier ministre, et l'UMP se montre irréprochable. Mais la persistance de la mobilisation des jeunes fait craindre au pouvoir la répétition de ce qui lui est arrivé avec la loi Fillon sur l'école il y a un an. S'il devait finir par reculer lui aussi, Dominique de Villepin, grand pourfendeur de l'impuissance du gouvernement Raffarin, aurait bonne mine !

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